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La Triumph Bonneville : Une légende qui a duré 30 ans

mercredi 10 août 2011, par Hippolyte Duhameau

La Triumph Bonneville est une moto de légende …… Nous allons vous retracer l’histoire de cette moto qui fit battre les cœurs des motards du monde entier.

C’est en Novembre 1958, sur le stand 48 du salon moto d’Earls Court,, que la Bonneville T120 fit sa première apparition en public … de suite, tout le monde voulu l’acheter. C’était la moto la plus rapide, la plus sympa et la plus charismatique que l’on pouvait trouver à l’époque. Elle éclipsait tous les autres modèles du salon.

Les sixties furent ses années de gloire, elle fut adulée aussi bien dans les cafés les plus branchés de Londres que dans la plus lointaine des banlieues, devant le Highlander pub sur le parcours du TT comme dans les bars les plus en vue de Sunset Bd à Los Angeles, elle trôna jusque dans les tavernes les plus délabrées du fin fond de l’Australie. Quel que soit l’endroit ou vous vous trouviez dans le monde, vous n’étiez jamais bien loin d’une Bonnie.

La production – avec des hauts et des bas – a continué jusqu’en 1988, à ce moment là elle s’était développée jusqu’à atteindre une cylindrée de 750cc.

Avec ses 250 000 ventes la Bonnie était alors devenue la moto anglaise la plus vendue de tous les temps.

Steve Lilley, une sommité dans le monde Triumph, affirme :

« C’est comme avoir une Ducati 916 aujourd’hui, c’était une moto culte. Posséder une Bonnie à cette époque c’était vraiment quelque chose. C’était LA MOTO que l’on se devait d’avoir. »

Steve avait tout juste neuf ans quand la Bonneville est née. Coïncidence, ce modèle est sortie au moment où son père ouvrait sa concession, devenue depuis l’une des plus importantes concessions londoniennes ... Steve qui maintenant a pris la suite est toujours propriétaire d’une Bonnie et il a vendu dans son magasin la dernière qui fut fabriquée.

« C’était la veille de Noël et l’acheteur était à la recherche de … choux de Bruxelles … pour son réveillon. Quand il est passé devant la concession et qu’il a vu la moto dans la vitrine, il s’est arrêté, est entré et nous a dit : « Il me la faut ! ». Il l’a achetée, la possède encore aujourd’hui … et elle a 0 mile au compteur !!

Carl Rosner, un autre concessionnaire est aussi un fan :

« La Bonnie était petite, légère, fine et compacte. Elle était extrêmement performante et son prix était très abordable. Beaucoup de nos clients actuels ont possédé … et même gardé … leur ancienne Bonnie. »

Curieusement, la presse moto s’est montrée peu loquace lors de la sortie du T120, neuvième modèle de la gamme 1959 de Triumph. Motor Cycle News lui a seulement consacré une ligne dans son numéro d’avant salon et l’a qualifiée « d’extraordinairement rapide » dans son compte rendu … comme s’il n’y avait rien d’autre à en dire.

Dans son numéro du 29 Octobre en page 11 la même revue donne quelques détails sur la machine sous le titre très neutre de : « La gamme de Meriden ». La nouvelle moto était décrite comme une version boostée du Tiger 110. La légende sous la photo précisant : « Principalement destinée au marché américain. ». Le prix de la moto, taxe à l’exportation comprise était alors de 294 Livres, 8 shillings et 3 pences.

L’arrivée de la Bonnie fut quelque peu occultée à l’époque par la révélation de la sortie d’une version économique du twin 490cc par l’usine de Meriden. Manifestement Triumph pensait que ce modèle, de plus faible cylindrée était tout aussi important. C’était la publicité de ce modèle - le 5TA – qui faisait la vedette dans la même page.

Tout s’était passé différemment quand, après guerre en Septembre 1949, la Triumph 650 fut lancée. Elle fit les gros titres de la presse après avoir fait la démonstration de ses qualités de vitesse et d’endurance sur le circuit de Montlhéry. Trois de ces nouveaux modèles avaient pris part à la course sur ce circuit français. Elles avaient parcouru les 500 miles à près de 160 km/h de moyenne et ensuite revinrent à l’usine de Midlands.

La Thunderbird, dont le nom a été emprunté à la mythologie Amérindienne, fut la réponse de Triumph à la demande d’une clientèle USA qui réclamait un modèle plus puissant et plus rapide de la 500. C’était une version évoluée du bicylindre qu’Edwards Turner avait conçu en 1937. Le T-Bird eut un succès énorme et devint plus célèbre encore quand Johnny Allen emmena, le 6 Septembre 1956, son « cigare » caréné propulsé par un moteur bicylindre préparé par Jack Wilson à la vitesse de 214,17 mph (344,6 km/h) à Bonneville Salt Flats dans l’Utah.
Les chronométreurs américains avaient officialisé le nouveau record mais la FIM n’a pas voulu le reconnaître car aucun de ses officiels n’avait été présent ce jour là. En fait l’usine Triumph n’en eut cure et annonça qu’ils étaient désormais les constructeurs de « la moto la plus rapide du monde ».
Les spécificités du moteur préparé par Wilson était le vilebrequin usiné d’une seule pièce … à partir d’un piston énorme qui venait d’une locomotive … et l’alimentation confiée à deux énormes carburateurs. Les 650 à simple carbu étaient caractérisées par un leurs paliers de vilebrequins très robustes et ce depuis la sortie en 54 du modèle T110 Sport « Thunderbird », mais l’usine étudia la technique de Wilson et au début de 58 commença a tester un vilebrequin en une seule pièce forgée .
Les techniciens ont fait subir à ce prototype – un T110 avec le nouveau vilebrequin, culasse « Delta », grosses soupapes et double carbus – un maximum d’épreuves jusqu’à l’en faire casser. Ils avaient commencé à mettre en œuvre ce développement l’année d’avant sur la T 100 cela allait devenir une option pour la 110. Pour donner encore un peu plus de puissance au cocktail un arbre à came en acier E3134 avait été extrait de la moto de course et rajouté à l’ensemble.
Ils firent les essais sur route dans un cadre de T110 … et c’est là que la Bonnie est née – sur cette sorte de banc mobile !
Dès ce moment le département expérimental de Triumph a été convaincu qu’il tenait là le futur vaisseau amiral de la gamme.
Leur confiance n’était pas partagée par Edwards Turner, le directeur du département moto de l’énorme groupe BSA qui avait racheté Triumph en 1951.
Il pensait que le développement de son original twin 500 allait un peu trop loin … et que cela allait ruiner la compagnie. Cependant les importateurs américains de Triumph ont de suite vu le bon coup et ont rajouté précipitamment le modèle à leur catalogue 59. Le nom de Bonneville a été choisi en souvenir du précédent record de vitesse qui avait fait date dans l’histoire de la moto.
La moto allait prouver ce qu’elle valait tant sur la route que sur la piste. Le moteur stock faisait 46 CV ( 4 de plus que le T110) à 6500 tours, le couple maxi était délivré à mi régime et la vitesse était donnée pour plus de 115mph soit 185km/h.

En 1962, l’américain Bill Johnson a emmené une version 670cc de l’ambitieux bicylindre vertical à 224,57 mph ( 361 km/h) et le bolide de Bob Leppan propulsé par deux moteurs de Bonnie a atteint lui 245,50 mph ( 395 km/h) en 1966.
L’année suivante le 650 Bonnie a encore gagné en réputation en remportant grâce à John Hartle la classe 750 au TT catégorie production, et la victoire de Malcolm Uphill en 69 dans la catégorie stock, se compléta d’un record du tour à plus de 100 mph de moyenne.
Doug Hele, n’a pas été pour rien dans cette accumulation de succès en tant que responsable du département développement de la Bonnie, lui qui avait quitté Norton en 62 pour devenir ingénieur de développement chez Triumph..
Durant toute son histoire la Bonnie a subit un certain nombre de transformations majeures mais, tout comme ce balai à qui on changera la tête et le manche qui restera toujours balai, la Bonnie est toujours restée Bonnie.

La première T120 était peinte en deux tons : mandarine et gris perle. Les américains ont détesté cette couleur, peu de temps après elle leur fut proposée en Bleu azur. Le capotage de phare caractéristique de chez Triumph a été remplacé dès la fin de la première année par un phare séparé chromé et un alternateur fut installé à la place de la dynamo.

En 1960 il y eut un important changement en ce qui concerne le cadre. Disparu le dessin original avec son mono tube descendant en faveur d’un cadre double berceau qui dut être renforcé peu de mois après sa sortie. La maniabilité était le tendon d’Achille de la machine et il y eut pas mal de modifications tant sur le cadre que sur les suspensions de façon à ce que celle ci arrive au niveau des performances de son moteur.

En 1963 moteur et boîte furent incorporés dans le même carter … Et il a fallu encore changer le dessin du cadre. Hele a travaillé avec le pilote d’essai Percy Tait pour essayer d’améliorer encore le châssis et la géométrie générale de la direction, ils ont aussi travaillé sur les suspensions et sur le freinage de façon à faire taire toutes les critiques.

Au milieu des années 60 la clientèle était très satisfaite du modèle. Dans son numéro de Mai 1965 The Motor Cycle publie les résultats d’un sondage ou les propriétaires de T12O parlaient des vices et des vertus de leur machine … A 99 pour cent ils étaient satisfaits !! Le prix de la moto était alors de 326 Livres, 13 schillings et 3 pences.
Sur toutes ces années la Bonnie est passée de 6 à 12 volts, a perdu sa magnéto au bénéfice de bobines, a gagné une cinquième vitesse, un démarreur électrique, un allumage électronique et est passé de 649 à 744cc( avec un passage très bref en 724cc). Elle a subi de nombreux liftings et s’est améliorée tant en suspension, carburation, freinage et structure interne du moteur.

La plupart des amateurs considèrent que le 650cc T120 est arrivé au sommet de sa gloire en 1969. L’installation cette année là d’un nouveau vilebrequin avec un volant moteur plus lourd, des bielles et de nouveaux pistons plus solides, a complété l’adoption, l’année précédente, d’un frein avant tambour double came d’un diamètre de 200mm et d’une nouvelle fourche. Cela faisait de la Bonnie 69 une moto vraiment magnifique.

Si vous deviez en acheter une sachez que les modèles construits entre 69 et 70 sont les plus recherchés, bien que la version originale avec capotage de phare soit très prisée.

L’adoption en 1971 du cadre incorporant le réservoir d’huile conçu par BSA’s Triumph Group avait élevé la hauteur de la selle à une hauteur ridicule, mais cela a été bientôt rectifié et les 750cc qui sont apparu avec le T140 de 1973 ont renoué avec la tradition.

L’écroulement du groupe Triumph et sa fusion avec Norton sous la bannière NTV a vu la production de Bonnies se transférer dans la coopérative des travailleurs de l’usine de Meriden.

Après que cette entreprise ait mis la clé sous la porte en 1983, John Bloor est arrivé et a acheté le nom et les droits de production.

Un constructeur de rechange, Lee Harris, fut chargé d’essayer de reprendre la construction des Bonnies dans l’ouest du pays pendant que Bloor a concentré tout le département recherche à Hinckey, développant la nouvelle génération des Triumphs qui ont fait leur apparition en 1990.

Harris a produit des bicylindres 750cc de 1985 à 1988, ajoutant encore 1400 machines à la production totale.

La principale victime de la fermeture de la Coopérative de Meriden a été la non production du modèle 750cc destiné à la police : un modèle entièrement monté sur silent blocs. Les vibrations avaient toujours été la conséquence inévitable du mouvement de deux gros pistons calés à 360° qui ne disposent pas de balanciers d’équilibrages.

Les fan’s les avaient toujours acceptées comme faisant partie intégrante de la machine. Ils avaient quelque peu critiqué l’absence de véritable confort de conduite. Des expériences furent menées pour monter le moteur sur silent blocs et un prototype avec tout un système d’anti vibrations mécaniques fut même construit, mais finalement rapidement abandonné.

Si l’on regarde tous les modèles de Bonnie, on trouve en fait deux familles : Le type européen avec petit guidon et gros réservoir d’essence et le modèle américain avec grand guidon et petit réservoir. On notera pourtant un certain nombre de modèles spécifiques et de séries spéciales :
La T120R Thruxton extrêmement rare (construite pour faciliter l’homologation de la version course « production » ), Le T120C TT complètement dénudé pour les courses de dirt-track, le TSS à huit soupapes. Une ligne de bagages a été étudiée pour la T140E et T140ES, elle a été customisée en T140D et deux machines ont même été « ennoblies » la T140Jubilé de couleur argent construite pour commémorer les 25 années du règne de la Reine et le T140LE Royal pour fêter la mariage de Charles et de Diana en 1981.
Les propriétaires n’ont jamais hésité à customiser leurs propres machines. L’influence américaine s’est ressentie dans l’apparition de divers choppers, mais les cafés racers sont encore les rois. Freins spéciaux, sièges retaillés, jantes alliages et échappements spéciaux ont été plus ou moins adaptés au fur et à mesure des divers tunings … accompagnés souvent de pistons à haute compression et kit huit soupapes.

Combien d’enthousiastes auraient aimés voir ressortir de l’usine une nouvelle version de ce charismatique moteur !
En 2000 Triumph a fait ressurgir le Phénix de ses cendres .. mais ce n’est plus vraiment cela .. quoique un mythe reste toujours un mythe.

Caractéristiques techniques du T120 de 1959

Moteur :

Bicylindre vertical culbuté, refroidi par air à deux soupapes par cylindre.
Culasse en alliage, cylindres en acier, vilebrequin calé à 360°.
Alésage x course : 71 x 82 mm
Cylindrée 649cc, taux de compression 8.5 :1
Carburation : Deux carbus AMAL type 37 monoblocs avec cuve séparée.
Lubrification par carter sec.

Transmission :

Primaire et secondaire par chaîne, embrayage à 4 disques et boîte 5 vitesses.

Équipement électrique :

Batterie 6 volts, dynamo de 60 watts, allumage par magnéto.

Chassis :

Cadre simple tube en acier tubulaire et bras oscillant.
Fourche télescopique hydraulique.
Deux amortisseurs Girling.
Roues avant et arrière de 19 pouces.

Freinage :

AV : Tambour simple came de 200 mm
AR : Tambour simple came de 180 mm

Dimensions :

Empattement 1416mm, Poids ( avec 5 litres de carburant) 183kgs, Hauteur de selle : 775mm, Contenance du réservoir : 14 litres. Carter d’huile : 2,4 l

Performances :

Puissance 46 CV à 6500 tours

Vitesse maxi environ 185 km/h

Prix de vente : 294 Livres, 8 schillings et 3 pences

Quelques précisions concernant le prix des Bonnies à l’époque.  
 En ce qui concerne la conversion des prix anglais :

En 1959, la livre valait à peu près 14 NF.
A ce taux 294£ 8s et 3d = 4121,3 NF

 Et pour info en ce qui concerne les acheteurs français de l’époque

Le Tarif N°17 de la CGIM/ Février 70 annonce la T120 à 8 190 F ttc, départ Paris.
Suppléments :
 moyeu AR à broche 60F
 variantes"R" 60F aussi
en option le compte-tour et la béquille latérale

Le Tarif N°19 de la CGIM/ Janvier 71 annonce la T120 R à 9 820 F ttc, y compris
béquille latérale., repose-pieds passager et "indicateurs de direction"(introduits
cette année là)
Le "supplément de 180 F pour compte-tours" est également compris
Option : 77 F pour Garde-boue chromés

 
Merci Didier pour ton aide précieuse dans la traduction et la rédaction de cet article.

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