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CRT sans ratés

dimanche 4 mars 2012, par Guido

Dans un mois, le championnat mondial de vitesse moto verra concourir deux types de machines en MotoGP. En effet, les prototypes vont cotoyer des des machines de série améliorées ou CRT (Claiming Rules Team). Que penser de cette nouvelle catégorie ?

L’introduction de cette nouvelle classe soulève une interrogation bien plus préoccupante que celle des chronos poussifs de la Ducati GP12. Il s’agit de la définition du championnat. Est-ce un spectacle mécanique ou une vitrine marketing ? Cette question est par essence dialectique puisque le spectacle naît en partie de la rivalité technologique. Tout se tient tant que les investisseurs y trouvent leur compte. Depuis la dernière des magouilles de la finance américaine dénommée crise des subprimes, l’économie mondiale va mal. Dans la langue des champions de CAC40-Nikkei-Dow Jones, cela signifie : « Business needs a new drive  » soit « comment qu’on fait du pognon maintenant ? »

Les services de prospective des constructeurs ont donc effectué de savants calculs. Les Japonais se sont aperçus que la nouvelle source de richesse se trouvait à leur porte, dans leur ancienne aire d’influence coloniale, en Asie. Ce continent porte des sociétés à la démographie dynamique qui connaissent un boom de la consommation. Les transports individuels et bientôt les loisirs mécaniques constituent de juteux marchés pour les longues séries. A l’opposé, l’Europe est devenue un marché de niches haut de gamme pour une clientèle plus aisée mais aussi plus âgée c’est-à-dire en cours de disparition.

Cette analyse contextuelle a conduit à la réorientation des engagements des industriels. Depuis trois ans, les constructeurs généralistes se désengagent officiellement des compétitions. Le cas de Yamaha en donne la parfaite illustration. La marque s’est retirée du WSBK (World Superbike) alors que son pilote, Melandri, avait terminé second en 2011. Les sponsors qui ornent les flancs de la MotoGP Yamaha sont en lien direct avec l’entreprise. Ainsi l’autocollant « Semakin di depan » (« Toujours en tête ») reprend le slogan utilisé par Yamaha pour l’Indonésie. Cette année, le logo ENEOS représentera un partenaire historique de la firme, à savoir son fournisseur de lubrifiants.

La Dorna, société organisatrice du championnat, se retrouve donc dans une posture délicate puisqu’elle a tout intérêt à suivre ses partenaires sans toutefois dégarnir la grille de départ. Ainsi, la Dorna a fit des concessions. Elle a accepté la motorisation unique en Moto2 au profit de Honda. Elle prospecte en Asie. On parle de réactiver le GP chinois. Le nouveau circuit automobile situé à proximité de Bombay (Inde) et inauguré par la F1 attise les convoitises.

Pour maintenir la qualité du spectacle, la Dorna tente aujourd’hui d’assurer la réalité d’une compétition entre plus grand nombre d’équipes. Et là, les as du prototype d’usine se rebiffent parce que pour eux, le championnat sert à la fois de champ d’investigation de la recherche-développement et de publicité internationale. Ils refusent donc de brider la créativité de leur bureau d’étude et multiplient les innovations hors de prix afin d’épuiser la concurrence. A ce petit jeu, le titre de champion ne se joue plus sur la piste mais dans le bureau du directeur du risque financier des firmes transnationales.

Il serait souhaitable de se recentrer sur l’essentiel : l’homme. De nombreuses interviews de pilotes mettent à jour la pression qui règne dans les stands du MotoGP et les limites du progrès technique. L’enjeu financier est tel qu’on en oublie l’essentiel : la saine rivalité sans arrière-pensée. Du coup, Biaggi, Checa, Melandri, Sofuoglu et Cluzel - pour ne citer qu’eux - avouent s’amuser davantage dans les championnats Superbike depuis qu’ils ont quitté le MotoGP. Ils parlent même de l’agrément des machines de série alors que, dans le même temps, Jorge Lorenzo s’interroge sur la vitesse de pointe des prototypes (annoncée autour de 350 km/h).

Il serait temps de définir ce que l’on attend du progrès technique en motocyclisme. Depuis le Peak oil de 2006, le monde s’engage dans une période de raréfaction des énergies fossiles et donc d’augmentation du prix des carburants et, par ce biais, du coût des déplacements. Le moteur à explosion arrive en bout de développement. Le gain de performance repose désormais sur l’utilisation de nouveaux matériaux (carbone, polymère) et sur la gestion électronique. Il serait peut-être bon d’arrêter la course à l’armement pour gagner la bataille de l’environnement. Les règlements devraient déterminer le stock d’essence embarqué pour toute la saison et le coût total d’une moto. Ils seraient alors plus en harmonie avec la pratique du motard lambda qui essore davantage la poignée de la pompe à essence que celle des gaz en 6ème. La compétition redeviendrait une course de moto. Ce n’est pas la vitesse qui fait le spectacle mais l’arsouille en paquet.

Au nom de ce principe de réalité, je me déclare fervent adepte de la CRT, catégorie moins véloce mais plus abordable et ainsi plus ouverte aux talents du monde entier. La compétition moto doit remettre à l’honneur l’engagement total d’un individu au guidon et non pas celui d’un brillant ingénieur soutenu par un directeur du capital risque.

Guido du Bourdon nippon

EXTRACT :

The Motorcyle world championship will begin in a month. In Losail, two kinds of machines will stand side by side. Beside the protoypes, the CRT superbikes will complete the starting grid. The choice of « Claiming Rules Teams » (CRT) is necessary to energize the competition. Indeed, the Motorcycle world championship must stay a mecanic show rather than a financial file. Winning a race would be a gaz affair and not a money plot. Nowadays, the cost of technology exhausts the race spirit. To finish, I support the CRT in order to coordinate the R&D with my practice and, above all, to watch again a real human fight on track.

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